"DROIT CIVIL - Habitations légères de loisirs : meubles ou immeubles ?", par Frédéric MOUSTROU, Avocat à Périgueux

Un mandataire liquidateur d’une société exploitante d’un parc de loisirs avait considéré que des chalets démontables constituaient des biens meubles dont la cession devait être poursuivie conformément aux dispositions de l’article L. 642-19 du Code de commerce.

Il avait ainsi obtenu une Ordonnance du Juge-commissaire à la liquidation judiciaire de ladite société en autorisant la vente.

La question se posait de savoir s’il en résultait, implicitement, que le produit de leur cession serait exclu du règlement de la créance garantie par une inscription hypothécaire affectant les parcelles sur lesquelles avaient été édifiées ces habitations légères de loisirs.

Suivant arrêt daté du 7 novembre 2016, la deuxième Chambre civile de la Cour d’appel de Bordeaux (N° de rôle : 16/00150) retient que les 48 chalets litigieux constituent des immeubles ne pouvant être vendus qu’avec les parcelles sur lesquelles ils ont été édifiés et que le prix de leur cession doit être inclus dans la garantie hypothécaire affectant le fonds.

La Cour d’appel de Bordeaux a jugé que les chalets constituaient des immeubles par destination en considération des éléments suivants :

- « la propriétaire avait clairement la volonté d'en faire des immeubles par destination »,

- «les chalets participent depuis l'origine à la fonction de production de l'immeuble et sont nécessaires à son exploitation. Ils en constituent l'un des éléments essentiels et présentent, dans le cadre de l'exploitation commerciale pour laquelle le site a été spécialement aménagé, un lien d'affectation particulier qui se fonde sur leur particulière adéquation à l'activité du centre de loisir dont ils font partie intégrante. A ce titre, ils constituent les accessoires du bien principal au service et à l'exploitation duquel ils sont directement affectés. »

- ils ont été attachés à perpétuelle demeure au fonds, ce qui résulte de leurs modalités d’édification, étant « alimentés en électricité et dotés d'installations sanitaires et de chauffage », «posés sur des longrines en ciment enterrées, et équipés d'arrivées d'eau sanitaire souterraines et de canalisation des eaux usées », « les longrines sont fixées sur des pylônes en béton », « des travaux de fondation et d'ancrage spécifiques ont été réalisés sur préconisations de l'architecte après une étude de sol et un relevé topographique », « leur dépose nécessiterait davantage que de simples travaux de désolidarisation et qu'ils ne peuvent être démontés sans dommage», ainsi qu’en atteste le coût de l'opération, dont le montant (près de 350.000 €) atteste de l'ampleur de la tâche.

Elle retient, au visa des articles 524 et 525 du Code civil, que « les chalets, placés par le propriétaire du fonds pour le service et l'exploitation du fonds auquel ils sont attachés à perpétuelle demeure, peuvent recevoir la qualification d'immeubles par destination » et en déduit que :

- ils ne doivent pas être inclus dans la vente aux enchères publiques des biens mobiliers inventoriés dépendant de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société débitrice, leur cession devant être poursuivie conformément aux dispositions de l’article L.642-18 du code de commerce, et non à celles de l’article L. 642-19 du code de commerce,

- ils sont inclus dans l’assiette des garanties hypothécaires du créancier, conformément à l’article 2397 du code civil, leur prix de vente devant être affecté au règlement privilégié de ses créances.

(CA Bordeaux - 2ème ch. civile 07/11/2016 RG16/00150)

Publié le 09/11/2016